mercredi 19 février 2014

Omar Ouhadj, Paris, 16 novembre 1961

"Nos manifestations ont eu un objectif et un sens politique. Elles nous ont permis de mettre à nu, sur le terrain, les possibilités des organisations qui nous prêchent, de dévoiler leur "autorité ", de leur infliger enfin une terrible leçon qui les a mises en face de toutes les erreurs qu’elles ont engendrées et collectionnées depuis sept ans. [...]

Nous avons évalué la solidarité des travailleurs et du peuple français. Nous savons qu’elle n’existe pas en dehors des communiqués, des tracts et des pétitions et des appels. Nous en prenons acte.

 Aux syndicats, aux partis, à la gauche politique française d’être mis le nez sur leur pourrissement. [...]. Voici leurs troupes : ces chauffeurs de bus qui ne descendent pas de leur cabine lorsqu’on transforme leur autobus en car de police ; les mêmes , qui signalent aux policiers, à Neuilly, par des appels phare code, la présence d’Algériens dans leur autobus ; et des ouvriers de chez Renault qui voient retirer, dans l’Ile Seguin, un cadavre d’Algérien de la Seine et qui s’éloignent indifférents. Et il y a pire. Lorsque dans les entreprises, usines, chantiers, la police vient et arrête les Algériens- et cela se passe chaque jour-qui proteste ? Personne. Lorsque, un matin, deux, trois ou cinq Algériens manquent à la chaîne, qui va voir un chef de département ? Qui va lui demander "Que se passe-t-il, que sont devenus nos camarades ? ". Qui va, délégué s’informer à leur domicile ?Personne ! 

Lorsque le mardi 17 octobre, des Algériens poursuivis se réfugient à 20h, dans les escaliers et les couloirs d’un métro et que la police les y traque et les y cerne et que se déroulent, sur les quais, dans les escaliers, des scènes atroces, que se passe-t-il ? Les rames passent et partent, chargés d’ouvriers et d’employés qui regardent la police "trier " et accomplir sa besogne. Qui bouge ? Personne. Lorsque, près des usines, des hôtels sont investis à n’importe quelle heure de la nuit et du jour, et que des ouvriers voient cela - car ils le voient- que font-ils ? Rien. Vous croyez que nous sommes étonnés ? Non. Cette passivité, ce racisme latent, cette indifférence n’est que la concrétisation politique de ce que nous vivons et subissons depuis des années. [...]Tenez, des centaines de nos frères ont été rapatriés vers leurs "douars d’origine ", autrement dit : expédiés dans des camps d’Algérie.

Nous avons informés partis et organisations, du jour, de l’heure, du lieu du premier départ. Nous avons attendu que le peuple des travailleurs français vienne à ce rendez-vous de la colère et de la déportation.
Est-il venu, ce peuple. Devinez....


Texte du 16 novembre 1961 d’Omar Ouhadj, responsable clandestin de l’association générale des travailleurs algériens, suite au refus de la CGT et de la CFTC d’organiser une manifestation contre la répression


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire