"Nos manifestations ont eu un objectif et un sens politique. Elles
nous ont permis de mettre à nu, sur le terrain, les possibilités des
organisations qui nous prêchent, de dévoiler leur "autorité ", de leur
infliger enfin une terrible leçon qui les a mises en face de toutes les
erreurs qu’elles ont engendrées et collectionnées depuis sept ans.
[...]
Nous avons évalué la solidarité des travailleurs et du peuple
français. Nous savons qu’elle n’existe pas en dehors des communiqués,
des tracts et des pétitions et des appels. Nous en prenons acte.
Aux
syndicats, aux partis, à la gauche politique française d’être mis le nez
sur leur pourrissement. [...]. Voici leurs troupes : ces chauffeurs de
bus qui ne descendent pas de leur cabine lorsqu’on transforme leur
autobus en car de police ; les mêmes , qui signalent aux policiers, à
Neuilly, par des appels phare code, la présence d’Algériens dans leur
autobus ; et des ouvriers de chez Renault qui voient retirer, dans l’Ile
Seguin, un cadavre d’Algérien de la Seine et qui s’éloignent
indifférents.
Et il y a pire. Lorsque dans les entreprises, usines, chantiers, la
police vient et arrête les Algériens- et cela se passe chaque jour-qui
proteste ? Personne. Lorsque, un matin, deux, trois ou cinq Algériens
manquent à la chaîne, qui va voir un chef de département ? Qui va lui
demander "Que se passe-t-il, que sont devenus nos camarades ? ". Qui va,
délégué s’informer à leur domicile ?Personne !
Lorsque le mardi 17 octobre, des Algériens poursuivis se réfugient à
20h, dans les escaliers et les couloirs d’un métro et que la police les y
traque et les y cerne et que se déroulent, sur les quais, dans les
escaliers, des scènes atroces, que se passe-t-il ? Les rames passent et
partent, chargés d’ouvriers et d’employés qui regardent la police "trier
" et accomplir sa besogne. Qui bouge ? Personne. Lorsque, près des
usines, des hôtels sont investis à n’importe quelle heure de la nuit et
du jour, et que des ouvriers voient cela - car ils le voient- que
font-ils ? Rien.
Vous croyez que nous sommes étonnés ? Non. Cette passivité, ce racisme
latent, cette indifférence n’est que la concrétisation politique de ce
que nous vivons et subissons depuis des années. [...]Tenez, des
centaines de nos frères ont été rapatriés vers leurs "douars d’origine
", autrement dit : expédiés dans des camps d’Algérie.
Nous avons informés partis et organisations, du jour, de l’heure, du
lieu du premier départ. Nous avons attendu que le peuple des
travailleurs français vienne à ce rendez-vous de la colère et de la
déportation.
Est-il venu, ce peuple. Devinez....
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