jeudi 13 mars 2014

Candidats FN malgré eux, la bonne blague.

"Un couple quasi-analphabète dit être candidat malgré lui sur une liste FN à Louhans", titre l'Express.

Ca fait quelques jours que les articles de ce genre se multiplient, à la grande joie des anti-FN . On veut tous y croire, les gens du Front sont abusés par le Front. Ce serait si simple, que tout cela soit une manipulation, le racisme, une magouille de la bourgeoisie sur nos esprits faibles.

Tu voudrais y croire, mais tu n'y crois pas. A cause de ton couple de voisins. Des prolos, pas analphabètes, mais pas le genre à se cultiver non plus. Des gens faibles, lui timide, parti au taf dès l'aube, elle ravagée par une vieille dépression, toujours au bord des larmes.

Des petits salauds accessoirement. De ceux qui pourrissent la vie des autres, cherchant la faiblesse sociale,  reniflant de loin la faille qui place d'autres prolos encore plus bas qu'eux. Et prompts à l'exploiter une fois qu'ils l'ont trouvée, en allant chercher comme alliés, la police, le bailleur et que sais-je encore. Un jour c'est tombé sur toi. La belle lettre du fameux bailleur " des voisins se plaignent, blablaba, règlement intérieur, blablabla, attention récidive, expulsion, blablabla, merci de faire cesser ces troubles". 

Il t'a fallu douze secondes malgré ta colère noire pour savoir de qui il s'agissait. Tous les locataires de HLM de la Terre connaissent les "signes" avertisseurs de la cabale voisinesque , qu'elle se déchaîne contre le Noir, l'Arabe, l'Asocial ou le Dernier Arrivé, bouc émissaire obligé quand les connards n'ont rien d'autre à se mettre sous la dent. C'est l'absence de réponse à ton bonjour, c'est la porte qui s'entrouvre tout doucement, mais personne ne sort, et l'interstice exhale juste un soupir d'exaspération. Ce sont les conversations qui s'interrompent sur ton passage, où ta voisine figure toujours , et pince les lèvres jusqu'à saigner . Et puis bien sûr ça finit par la lettre de menaces du bailleur. 

Que tu lui brandis un beau matin ensoleillé à la sortie de l'immeuble, déclenchant les oeillades rigolardes d'autres voisins, parce que c'est pas tous les jours qu'on s'amuse, dans le bâtiment. Et sur laquelle, en larmes, tremblante et indignée , elle prétend n'avoir aucune responsabilité. Elle niera même devant l'évidence, celle des autres voisins qui bien sûr l'ont balancée , constatant que tu n'es pas le mouton qui va contrit à l'abattoir, celle du salarié du bailleur qui l'a balancée aussi, ne souhaitant pas continuer à se faire engueuler et menacer de poursuites pour "dénonciation calomnieuse". 

Dans une société où la désignation de boucs émissaires est un sport pratiqué par les gros bourgeois, où la folie sécuritaire et stigmatisante constitue l'essentiel des journaux télévisés, où Marine Le Pen se fait lécher les bottes par les trois quart des éditorialistes, souvent le prolo s'imagine autrement les conséquences de sa soumission à toutes ces saloperies. 

Ta voisine ne pensait pas que tu allais broncher, elle s'imaginait soutenue et applaudie par les autres voisins, elle savourait à l'avance le délice de la socialisation valorisante, les félicitations dans l'ascenseur , les " vous avez eu bien du courage, ces deux-là nous emmerdaient tous". 

C'est pareil pour le 24ème de la liste FN. Flatté par le petit commercial en costard cravate qui a pris le temps de le caresser dans le sens du poil, d'écouter ses récriminations sans fin sur les jeunes qui rigolent trop pendant que lui tire la gueule, sur l'odeur du mafé du 3ème et les crottes de chien sans doute semées exprès par des étrangers. Ebloui par l'idée d'être quelqu'un enfin, respecté non seulement par le VRP du Front, mais aussi par les autres voisins, celui qui ne se contente pas de parler contre les arabes et les Noirs, mais qui agit.

Avoir un petit bout, tout petit, mais un bout quand même de l'auréole de respect et de considération qui entoure Marine Le Pen, lui à qui son racisme n'a jamais rien rapporté. 

Alors on signe le petit bout de papier, un peu exalté et rêveur.

Mais n'est pas Marine Le Pen qui veut. Il y a raciste et raciste, comme il y a bourgeois et prolo. Et ton nom imprimé en 24ème et néanmoins exposé sur la place publique, c'est pas Le Pen. C'est celui du mec qui ferme sa gueule devant son patron, lequel patron te dit ironiquement " Tu te lances en politique, Dédé, fais ce que tu veux, mais moi je veux pas d'histoires chez moi, et Abdel est en colère". C'est celui du mec que ses collègues aiment pas des masses non plus, et qui trouvent qu'il est allé trop loin en pétant plus haut que son cul, que les causettes discrètes sur les jeunes collègues musulmans, c'est normal, ça mange pas de pain , faut bien se défouler. Mais que c'est pas la peine non plus de chercher les emmerdes , et qu'il vaut mieux faire le vide autour de Dédé, histoire de pas être mêlé à une éventuelle embrouille. 

D'un coup Dédé ne peut plus nier. Le racisme, c'est un truc à afficher prudemment, pas tout le temps, pas partout , quand on n'est pas Marine Le Pen. Ni le petit cravaté qui est passé à la maison.

A la télé, Marine Le Pen a gagné. Dans la vraie vie, être frontiste engagé, c'est encore un petit peu tendu, pour le prolo. 24ème de liste, ça ne rapporte rien, et finalement ça peut coûter beaucoup. Bien plus que toutes les possibilités de se défouler qui existent déjà: écrire au bailleur pour dénoncer les gosses de la famille africaine du 2ème, cracher sur la petite Rom qui fait la manche au supermarché, déposer son bulletin de vote FN dans le confort discret de l'isoloir. 

J'aimerais bien croire que je suis méchante et que t'es une victime , petit prolo raciste. Mais je vis avec toi, je te connais, je te déteste, mais je ne te méprise pas. Ouvrier, quasi-illettré, oui, et alors ? Il n'y a que les éditorialistes qui lèchent les bottes de Marine Le Pen pour penser que ce statut te rend plus con qu'eux ou inapte à faire de la politique. 

Mais t'es tout aussi intelligent que le politicien qui a fait une sortie raciste de trop, et qui va nier, parce que les conséquences sont trop grandes. Tu te croyais dans le sens du vent, mais il ne souffle pas encore assez fort pour te porter dans les hauteurs, voilà tout.

Alors ça t'arrange de jouer les victimes du FN et du petit cravaté auprès des bonnes âmes imprégnées de mépris de classe. 

Mais on sait , toi et moi, ce qu'elles font mine d'ignorer: à la base, t'as invité le FN à entrer et à boire le café sur ton canapé. A part les racistes, personne ne fait cela. 

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