lundi 10 août 2015

Tel Aviv Plage, indignation en scène.

Juillet fut le mois "Non à l'Arabe à la plage". Cette année, Morano n'eut pas besoin de poster des photos volées de femmes voilées, le roi d'Arabie Saoudite en personne vint en jet privé au secours des islamophobes en mal d'exutoire.

Dictateur corrompu et bourré de fric, le monarque ne fit que venir, comme tant d'autres dictateurs corrompus et bourrés de fric passer ses vacances dans un pays où ils sont tous traités avec les honneurs et les privatisations d'espace public que cela implique. Au moment où ce sinistre et sa cour étaient en France, notre président se congratulait avec le dictateur egyptien d'un petit marché d'armes de morts entre amis, dans une période où ce même dictateur condamne toute tête qui dépasse à être coupée. Cela n'a guère suscité l'ire des réseaux sociaux, car Sissi, il est vrai ne porte pas l'islam en bandoulière, c'est moins porteur. 

Août sera donc le mois "Non aux Juifs à la plage". Oui, aux Juifs, car c'est bien d'eux qu'il est question dans les innombrables saillies antisémites qui émaillent la Toile concernant la journée "Tel Aviv sur Seine" organisée par la Ville de Paris . Certes la gauche "antisioniste" a décrété, d'emblée et comme d'habitude, que l'antisémitisme violent devait être ignoré, au mieux, partagé, au pire, et qu'il serait scandaleux de placer le débat sur ce point, de détail, à propos de la "polémique" contre cette journée, qui bien entendu se placerait uniquement sur le terrain de la solidarité avec les "Palestiniens". ...laquelle passe bien évidemment par le boycott absolu et inconditionnel de toute initiative traitant les israëliens comme des êtres humains avec qui on échange culturellement. 

Ce n'en sont pas, des êtres humains, ce sont des monstres , contrairement à nous, les Français, défenseurs des Droits de l'Homme éternels et donc autorisés à faire la fête sur la plage. Pourtant si l'on y réfléchit un brin, on pourrait être indigné de la tenue de Paris Plage tout court, cette année: année où les corps noyés des migrants tués par nos frontières s'amassent sur nos plages européennes, tandis que certains survivants, dans un bidonville situé un peu plus loin sur la Seine, attendent une évacuation policière, dans le mépris le plus complet de leurs droits fondamentaux. 

Cette indécence là ne mobilise pas les foules, et même dans la partie de la gauche qu'elle mobilise, il ne viendrait à l'idée de personne d'appeler au boycott et à l'annulation intégrale de tous nos évènements culturels et festifs estivaux. 

D'ailleurs cela ne vient à l'idée de personne pour aucun autre partenariat culturel. On n'a jamais vu l'extrême-gauche indignée surveiller et dénoncer les innombrables initiatives parisiennes concernant tel ou tel pays et sa culture, bien malin qui saura dénombrer les derniers partenariats avec la Russie de Poutine, ou la Chine. Et pour cause, seuls quelques activistes font quelque chose dans ces cas là, et encore s'agit-il avant tout de donner une visibilité à la défense des droits humains dans ces pays, pas de décréter que tout évènement culturel les concernant devrait, en soi, être interdit. 

Est-ce à dire que Tel Aviv sur Seine ne devrait pas même être débattu ? Non évidemment. Il y a bien quelque chose de scandaleusement artificiel et fabriqué dans ces prétendus échanges culturels qui passent sous silence la réalité politique, pour donner une image de carte postale, plus ou moins intellectuelle de pays du monde, où l'oppression et la mort sont partie intégrante de la vie. Il y a quelque chose d'indécent et de grotesque à faire comme si la plage de Tel Aviv n'était pas cette année rouge du sang versé par les fascistes à la Gay Pride, rouge du sang versé par ces mêmes fascistes qui assassinent des enfants palestiniens. Rouge de la guerre de l'an dernier, et de ses morts. 

Rouge comme la plage de Paris, une ville où désormais les migrants meurent aussi, dans un pays où de Calais à Nice on tabasse les survivants, quand ils ne meurent pas en tentant de passer la frontière à Calais, à peu près une fois par semaine. Rouge de la honte d'un pays qui collabore avec les pires dictateurs. 

Face à cela, nous devrions exposer le rouge de la colère, qui est aussi partie intégrante de toutes les cultures. Colère des foules de Tel Aviv contre l'occupation et la guerre, contre un gouvernement d'extrême-droite et contre les milices racistes et homophobes. Colère des migrants qui ont survécu à la noyade et que nous pourrions relayer sur la plage de la capitale. 

Mais non. Seul Tel Aviv n'aurait pas droit à sa représentation de carte postale de l'été, et à une critique en actes qui cible une politique et non l'ensemble de ses habitants et de ses cultures. Car l'Etat le plus méchant du monde est Juif, et celui-là, sa méchanceté déteint sur tout, et notamment sur l'ensemble de ses habitants, quelles que soient leurs combats et leurs mobilisations. Sur ses cuisines, ses poètes et ses prolos, tous condamnés à l'opprobre généralisée. Et qu'on ne vienne pas nous parler de sa gauche, des fameux hypocrites, ceux là , qui croient se laver les mains du sang qui les recouvre avec des indignations feintes et mises en scène. On s'en branle des milliers de gens dans la rue à Tel Aviv ces derniers jours, c'est pas de marcher avec des pancartes qui va les exonérer de la culpabilité collective et éternelle. 

Non, ça ne marche pas pour eux, qui ne sont pas comme nous. Nous après avoir protesté vertement avec des pancartes et des hastags, on n'a pas besoin de songer au boycott intégral de nous même, ce serait complètement imbécile. Bah oui, on n'est pas Israëliens, donc même si on ne descend pas dans la rue quand la police tue un jeune Arabe, on n'a rien à nous dire , la morale , ça va cinq minutes, on a bien le droit de se distraire, c'est pas parce qu'on n'ira pas à la plage que les migrants vont arrêter de mourir. 

Nous, c'est bien simple, on est la gauche innocente par excellence. Pas besoin de nous laver les mains, elles sont propres de toute éternité. On est innocents même de ce qu'on provoque, du torrent de haine anti-arabe qui se déclenche quand nous n'attaquons QUE le chef d'Etat musulman qui vient sur nos plages et pas les autres. Du torrent de haine antisémite qui déferle quand nous ne remettons en cause qu'UN partenariat culturel parmi tant d'autres. 

Irresponsables, jamais coupables. Faut dire qu'on n'est pas seulement le pays des Droits de l'Homme, on est aussi celui de Molière et du théâtre, on sait mettre en scène nos préjugés et nos haines comme personne, et transformer , par la magie des décors, de putrides élans en magnifiques croisades.

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