jeudi 30 juillet 2015

Un Lion est mort ce soir.

Les lions sont arrivés sur la place de Paris. Et sur nos côtes aussi, Jean Pierre Pernaut l'a dit.
Ils sont si fatigués, si hâves et amaigris. Affaissés sur le sol, ils regardent ébahis, leur lieu d'arrivée, cet étrange pays. 

Mais les enfants déjà, leurs parents supplient. Aller voir ces lions qui ont l'air si gentil. Les parents indulgents en ont aussi envie. Les bras chargés de cadeaux , on se presse près des bêtes. On leur amène de l'eau, et puis on les caresse. Les pétitions circulent que fait le gouvernement ? Des hôtes aussi souffrants ont besoin d'un abri. Un accueil officiel , c'est la moindre des choses.

Les ministres s'empressent autour des pauvres fauves. On érige en toute hâte des tanières adaptées, on collecte à tout va de la viande congelée. Aux heures de grande écoute, ils racontent la savane, et les courses terribles pour fuir les braconniers. Et puis leurs pauvres frères, dont le sang a coulé. Et puis l'exil terrible, le désert traversé, et la mer déchaînée, et les lionceaux noyés.

Mais tout cela est bien loin, ils sont d'ici maintenant. Les enfants déjà connaissent leurs noms par coeur, Cecil et Ophélie, et puis Bébé Lucie. Les adultes ont promis, chasseur sera puni. On enverra là bas des soldats qui traqueront les assassins des lions. Et on rapatriera les lionceaux égarés, qui retrouveront leur mère, sur nos écrans de télé. 

Non, il n'y a pas de lions. Que des hommes fatigués, sur la Place de Paris. Et sur nos côtes aussi, Jean Pierre Pernaut l'a dit. Ils sont laids, ils sont sales, paraît, qu'ils ont la gale. Les enfants sont déçus, pas de parc aujourd'hui. Car tout est envahi, par ces hommes malpolis. Les parcs et puis les gares, quelles vacances de cauchemar.

Des pétitions circulent, que fait le gouvernement ? Qu'attend-il pour chasser ces odieux mécréants ? Les ministres s'empressent, beaucoup de murs se dressent. On expulse à tout va, déjà les revoilà.

Non pas qu'on soit méchants, mais il faut être prudents. Ces gens là sont si sales, et si peu ragoutants. Leurs récits sont si chiants, la mort, la faim, la guerre, tout ça est très banal, pas une raison quand même pour déranger nos bals.

Leur contes on n'en veut pas , on n'y est pas Gentils. Leurs récits terrifiants, qu'ils les gardent pour eux, si c'est pas bien chez eux, faut pas salir ici. Car on ne sait pas Madame, ce qu'ils peuvent propager, la misère et la peste, tout ça c'est contagieux. 

Et puis il faut tout de même être bien compliqué, pour venir jusqu'ici et se faire écraser. Ou électrocuter, on n'entend plus que ça. Ils seraient morts là bas, on ne les entendrait pas et qu'est ce que ça changerait ? Puisque ces gens là meurent, et qu'il faut bien s'y faire, autant qu'ils meurent chez eux.

Egoïste Madame ? Mais savez vous qu'ils vivent, juste à côté des lions ? Et qu'ils ne les soignent pas, et les admirent à peine. Quand nous pleins de compassion, pleurons avec passion, le fauve qui s'est éteint, Cecil le presqu'humain. 

L'Afrique est grande, Madame, et pleine de misère. On a bien le droit de choisir, qui nous voulons aimer, qui nous voulons sauver. Le lion est bien plus rare, il est bien plus précieux, que ces banals humains, qui sont bien trop nombreux. 

Je ne connais pas ton nom, l'homme de la Gare du Nord.Tu as tenté en vain de monter sur le train. Les journaux ne disent pas si tu es mort ou pas, juste électrocuté. Du lion , je connais tout et qu'il s'appelait Cecil. Cecil ne m'a rien fait, c'était une bête sensible. Mais on doit avoir peur, quand d'étranges  crocodiles pleurent  la mort de Cecil , et laissent mourir sans nom, un homme par semaine.

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